l’invention du vélo.
Invention en trois étapes et dont l’histoire a été
marquée par un gros mensonge frappé au coin du chauvinisme.
De ce mensonge, nous parlerons la prochaine fois.
La « vérité vraie », on la doit en particulier
(mais pas uniquement) au travail méticuleux mené par un japonais,
Keizo Kobayashi, et relaté dans son livre paru en 1993.
Or donc, c’est sur les bords du Rhin, dans le grand-duché de
Bade, que le baron allemand Carl von Drais eut l’idée en 1817, de
construire un engin à deux roues en ligne avec une articulation
pour faire pivoter la roue avant. Il avance grâce au patinage du
pilote qui le chevauche en position « debout-assis ». Appelée
Laufmaschine en Allemagne, Velocipede en Grande-Bretagne, elle sera la
Draisienne en France.
L’invention
avait eu l’immense mérite de montrer qu’un solide peut trouver un
équilibre stable avec seulement deux points de contact au sol, à
condition de rouler. Mais sa médiocre efficacité l’aurait
conduit à un déclin inéluctable si un français
« serrurier en voitures à façon », Pierre Michaux
et son fils Ernest, n’avait eu l’idée, un jour qu’on lui avait apporté
une draisienne en réparation, d’installer une paire de pédales
sur l’axe de la roue avant. Nous sommes en 1861, dans son atelier parisien.
Beaucoup plus efficace, le vélocipède connaît un succès
immédiat. A la fin du Second Empire, de nombreuses courses étaient
organisées un peu partout en France. Après 1870, l’Angleterre
devient le principal centre de production. Le vélocipède
est amélioré ; c’est l’époque du « grand-bi
» : pour aller plus vite, on agrandit la roue avant ! Enfin, en 1879
avec Lawson et en 1884 avec James Starley, la bicyclette moderne apparaît
avec la mise au point de la transmission de la rotation des pédales
à la roue arrière. Dunlop apportera le confort indispensable
avec l’invention du pneumatique en 1888.
Quel plus bel emblème pour une Europe meurtrie par tant de conflits
que cette machine pacifique, fruit de l’imagination d’un allemand, d’un
français et d’un anglais ?
... 1888, le vélo moderne
est né. Le succès est immédiat et, partie
d’Angleterre, la production s’étend à toute l’Europe occidentale
et aux Etats-Unis.
A peine trois ans plus tard, le français Baudry de Saunier publie
son Histoire générale de la vélocipédie.
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Personne ne s’était préoccupé, avant ce journaliste
parisien, des origines du nouvel engin. Le début du siècle
et ses draisiennes sont déjà loin et les historiens professionnels
peu préoccupés par les travaux approximatifs de leur élève
passionné par le vélo. Sans risques d’être démenti,
notre homme affirme donc que le premier à avoir engagé le
processus conduisant à la bicyclette est le français de Sivrac.
Son invention, le « célérifère », daterait
de 1790 et serait une espèce de draisienne dont la roue avant ne
serait pas articulée. Le seul mérite du baron allemand Carl
von Drais aurait été, en 1817, de permettre à l’engin
de tourner !
Nous sommes en plein chauvinisme germanophobe : la guerre de 1870 est
encore dans toutes les mémoires, la France ne pense qu’à
la revanche pour récupérer l’Alsace et la Lorraine ; quant
au deuxième Reich, il affirme son militarisme sous la férule
prussienne.
En 1893, une statue à la mémoire de Carl von Drais est
inaugurée à Karlsruhe... pour faire bonne mesure, le Conseil
municipal de Bar-le-Duc décide le 11 mars de la même année
d’élever un monument à la gloire de Pierre Michaux et parle
dans sa délibération de « devoir patriotique ».
Personne ne demande donc à Baudry de Saunier d’où sort
son célérifère et sur quels documents il s’appuie.
Le vélo sera une invention française à l’ouest du
Rhin, allemande à l’est !
Ce mensonge aura la vie dure puisqu’il faut attendre 1950 et les recherches
d’un universitaire canadien pour que le mythe commence à être
ébranlé ; des travaux ultérieurs confirmèrent
qu’un certain Jean-Henri Sievrac déposa un brevet le 4 juin 1817
pour un célérifère, voiture légère à
deux roues tirée par un cheval.
Il n’y a, aujourd’hui, plus de doute sur les origines du vélo
et pourtant des ouvrages grand-public récents, édités
à la hâte, reprennent la fable des excentriques du Directoire
chevauchant le célérifère que des millions d’écoliers
ont pu voir dans leurs livres d’histoire !