Amnistie, lettre aux candidats aux élections législatives 2002

à Mesdames et Messieurs les candidat-e-s aux élections législatives

Montreuil, le 15 mai 2002

Madame, Monsieur,

L'association Vivre à Vélo en Ville se bat pour la promotion du vélo, alternative pertinente à l'usage excessif et contre-productif de l'automobile dans les déplacements quotidiens.

Notre fédération, la FUBicy, s'est impliquée dans les débats parlementaires concernant le Code de la Route (modification de 1998 en faveur des cyclistes), la Loi sur l'Air de 1996, la Loi SRU, le rapport A. JUNG. Elle continuera résolument à le faire après cette élection.

L'amnistie, inaugurée en 1959 avec la nouvelle constitution, est une tradition de très fraîche date, inconnue chez nos voisins et sa forte ressemblance avec le droit de grâce lui confère une inspiration plus régalienne que républicaine.
Plus fondamentalement, ces amnisties "présidentielles" sont détournées de leur véritable objet qui est de réconcilier des fractions d'une même population qui se sont durement affrontées.

Pour ces raisons touchant à l'intérêt général et celles exposées dans le courrier ci-joint, nous sommes opposés à toute amnistie des délits routiers.

En vous remerciant de nous faire connaître votre propre position, Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l'assurance de nos salutations distinguées.

Marie -Yolande Suero Présidente de Vivre à Vélo en Ville

Strasbourg, le 15 mai 2002

Aux candidats aux législatives

Objet : éventualité d'une loi d'amnistie après les législatives

Madame, Monsieur,

Vous vous êtes porté(e) candidat(e) pour devenir député. Si vous êtes élu(e), un des premiers projets de loi que vous discuterez concernera l'amnistie "présidentielle".

En effet, malgré un fort mouvement d'opinion défavorable à cette amnistie, mouvement soutenu par plusieurs fédérations, par l'Association des Maires de France, par le Conseil National de la Sécurité Routière, et par le nouveau Ministre des Transports, le Président s'est engagé à en limiter les effets mais a pour l'instant refusé d'y renoncer. Il reste que l'Assemblée Nationale est souveraine et je souhaite attirer votre attention sur les effets pervers d'une pratique qualifiée à tort de "tradition républicaine". Inaugurée en 1959 avec la nouvelle constitution, c'est une tradition de fraîche date, inconnue dans les autres démocraties européennes, et sa forte ressemblance avec le droit de grâce lui confère une inspiration plus régalienne que républicaine.

Si je m'en tiens aux préoccupations de la FUBicy, je ne peux que constater l'incohérence entre ce blanc-seing donné aux dizaines de milliers d'automobilistes qui commettent des infractions routières, et les actions entreprises par les pouvoirs publics pour civiliser l'usage de la voiture: campagnes en faveur de la sécurité routière, engagements pris pour favoriser les déplacements moins coûteux pour la collectivité et moins polluants (transports en commun, vélo, marche à pied), politiques de nombreuses villes pour redonner à la rue des fonctions perdues du fait de la place excessive prise par la voiture.

Il ne serait plus question aujourd'hui que d'amnistier des infractions qualifiées de mineures. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de cette concession. De nombreuses infractions " bénignes ", outre qu'elles participent d'un incivisme généralisé qui donne un bien mauvais exemple à nos concitoyens, constituent en réalité des sources de dangers réels, notamment pour les usagers les plus vulnérables, cyclistes, piétons ou personnes à mobilité réduite. Comment en effet convaincre les citadins de faire leurs courts trajets à vélo, alors que de nombreuses pistes cyclables sont des parkings permanents, et que chaque année des cyclistes sont tués ou grièvement blessés dans des accidents causés par des voitures en stationnement gênant, ou par des conducteurs distraits qui téléphonaient au volant ?

Votre engagement public à refuser toute amnistie des infractions routières serait donc une contribution très utile à notre combat commun pour un plus grand civisme et une réduction de l'insécurité routière, ce qui aurait des retombées très positives dans notre vie quotidienne et pour le développement de l'usage du vélo.

Ma fédération et ses associations locales ne manqueraient pas de le faire connaître à ses adhérents.

Dans l'attente de votre prise de position, veuillez agréer l'expression de ma considération distinguée

Monique Giroud, Présidente de la FUBicy


Réponses

Nous avons envoyé le questionnaire à 6 candidats Voici leur réponses, dans l'ordre où nous les avons reçues

Marc Gaulin, candidat UMP

n'a pas répondu par écrit, mais par oral, alors que nous allions déposer notre lettre à sa permanence

Patrick Petitjean , candidat Vert

Montreuil le 20 mai 2002

Suite au courrier du 16 mai 2002, candidat des Verts dans la 7ème circonscription de Seine-Saint-Denis pour les élections législatives des 9 et 16 juin, je me déclare opposé à une éventuelle loi d'amnistie des infractions routières. Je m'engage à la refuser.

Avec mes salutations écologistes et citoyennes, Patrick Petitjean

Mouna Viprey, candidate PS

(29 mai) Je réponds à votre sollicitation avec d'autant moins de complexe que je suis sincèrement opposée à toute amnistie des délits routiers. C'est selon moi le minimum que les représentants de la Nation puisse faire pour rester crédible en matière de citoyenneté.

Dans l'attente de vous rencontrer. Bien à vous

Mouna Viprey

JP Brard, député sortant, soutenu par le PC et le pôle républicain,

(30 mai)

Madame la présidente,

J’ai bien reçu votre courrier du 16 mai dernier par lequel vous m’interrogez sur la question de l’amnistie pour les contraventions qui fait actuellement l’objet d’un projet de loi et qui sera soumis au Parlement à l’issue des élections législatives des 9 et 16 juin 2002. Si je suis réélu député de la 7ème circonscription de la Seine-Saint-Denis, je me prononcerai en faveur d’une amnistie sélective s’appliquant exclusivement à la verbalisation du dépassement de quelques minutes du temps horaire sur une place de stationnement payante. Seule cette infraction pourrait faire l’objet de mansuétude en excluant les autres infractions de stationnement comme le stationnement sur un trottoir, sur un bateau qui gênerait la circulation de parents avec un landau ou tout stationnement entravant le passage des autobus, des ambulances et des pompiers. J’entends également renouveler l’engagement souscrit avec plusieurs députés de ne pas intervenir pour faire « sauter » les contraventions. Depuis 1988, je me suis toujours scrupuleusement tenu à cette attitude.

Restant à votre disposition, Je vous prie de croire, madame la présidente, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Jean-Pierre BRARD Député sortant

(31 mai)

madame la présidente, en complément de ma réponse d'hier sur l'amnistie, je tiens à ajouter que dans la mesure où il est très peu problable que le texte gouvernemental se limite à la seule infraction que j'évoquais hier, il est clair que je voterai contre le texte d'aministie.

Jean-Pierre BRARD

Laure Laufer, candidate LCR, Alain Knoll, candidat UDF n'ont pas répondu

Les 8 autres candidats n'ont pas été interrogés

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Brève analyse

Manifestement, les candidats Montreuillois sont tous presque sur les positions de VVV concernant le refus de l'amnistie.

Evidemment, en campagne électorale, on a bien envie de promettre à tous ce qu'ils demandent. A noter tout de même que Jean Pierre Brard fait une exception pour le "dépassement de quelques minutes du stationnement payant" qui n'est de toutes façons quasiment jamais sanctionné, à moins que pour lui "quelques" signifie une vingtaine...

Aujourd'hui (14 juin 2002), nous ne savons pas encore qui, de Mouna Viprey ou de Jean-Pierre Brard sera député, mais il y a fort à parier qu'ils voteront contre l'amnistie comme ils l'ont promis, ne serait-ce que parce qu'ils seront dans l'opposition au chef de l'état.