7 rue Dombasle 93100 Montreuil tél 01 48 59 56 00
association membre de la Fubicy
à Monsieur Jean Pierre Brard Maire de Montreuil Hôtel de ville
Montreuil le 22 août 2000
Monsieur le Maire,
Nous avons bien reçu vos courriers des 10 juillet
et 7 août derniers dont nous vous remercions.
Le cadre général du travail de coopération
que vous nous proposez correspond tout à fait à notre attente.
Cette coopération nous paraît d'autant plus
nécessaire que les intérêts particuliers que nous défendons
sont en harmonie avec l’intérêt général. De
même, la façon dont nous cherchons à atteindre nos
objectifs va, selon nous, exactement dans le sens de l’approfondissement
de la vie démocratique de notre cité.
Permettez-nous, en premier lieu de préciser brièvement
ces deux aspects :
1 - Le vélo et la ville
:
Apparus simultanément dans l'espace public
à la fin du siècle dernier, le vélo et la voiture
ont d'abord connu des développements parallèles, le premier
auprès des classes populaires et la seconde auprès de la
bourgeoisie. Sans entrer dans les détails d'une analyse socio-historique,
on peut simplement remarquer que l'élimination du vélo comme
moyen de mobilité au profit de la voiture correspond à l'évolution
consumériste des sociétés occidentales, pour aboutir
dans le domaine des déplacements, comme dans la plupart des autres
secteurs de l'économie, à une situation de monopole.
Synonyme de liberté, de confort, de vitesse,
de découverte, la voiture joue un rôle considérable
au plan économique. Sa généralisation à l’ensemble
des foyers, associée à la concentration de ceux-ci dans d’immenses
agglomérations, a progressivement induit des nuisances graves. Les
plus optimistes considèrent que les pollutions phoniques et atmosphériques
pourront être techniquement jugulées. Restent l’envahissement
de l’espace public et privé et les risques d'accidents; ceux-ci
ne semblent pouvoir être amoindris que par une réduction tout
à la fois de l’usage de la voiture et de son emprise sur l’espace
public.
Le XXIème siècle verra vraisemblablement
progresser la concentration urbaine selon un schéma irréversible.
Dès lors, toute réflexion sur l'élaboration d'un cadre
de vie équilibré et durable passe par une réévaluation
de l'usage de la voiture individuelle.
ça n’est pas le moyen lui-même qui sera
mis en cause mais son usage immodéré. Cette orientation paraît
d’autant plus pertinente qu’actuellement en région parisienne la
moitié des déplacements automobiles font moins de 3km.
Le vélo est l’outil le mieux adapté
et le moins coûteux, tant pour l’individu que pour la société,
pour réinstaurer un équilibre dans la mobilité urbaine.
Il a fait la preuve de son efficacité pendant des décennies.
La marche est souvent trop lente et incommode quand
on est chargé, les transports en commun trop onéreux pour
la société si l’on veut atteindre la souplesse de la voiture.
Le vélo constitue un moyen de déplacement
paisible, apte à maintenir en bonne forme physique une population
toujours plus tournée vers des activités sédentaires.
Le retour actuel du vélo dans la ville, malgré
les conditions d'une large adversité matérielle, marque bien
qu'une partie de la population a adopté, consciemment ou non, une
démarche idéologique qu'il s'agit de conforter et d'étendre
si l'on veut construire un avenir urbain moins agressif.
Il n’est pas excessif de considérer que le
vélo sera aussi lié à la qualité de la vie
citadine que l’est devenue l’eau courante. Il suffit pour s’en convaincre
de comparer dès aujourd’hui des villes comme Bangkok et Hanoï,
Los Angeles et Hanovre.
2 - VVV et la démocratie
:
Tout le monde reconnaît qu’une évolution
positive de la vie politique de nos cités et du pays lui-même
passe par la participation active des citoyens à la réflexion
et aux décisions. Tout le monde s’accorde aussi pour constater la
carence en la matière de nos partis politiques.
Sans attendre qu’ils se rénovent, toute initiative
allant dans le sens de la prise de conscience des enjeux évoqués
ci-dessus devrait être encouragée. Tel est bien le comportement
de VVV qui depuis sa création en 1993 a toujours refusé le
rôle de lobby. Nous avons au contraire cantonné notre activité
à la commune, échelon élémentaire de la démocratie,
et tenté de constituer l’interface la plus efficace possible entre
les usagers du vélo et les décideurs. Notre mode de fonctionnement
interne interdit les mandats supérieurs à trois ans et favorise
la participation des adhérents à l’animation de l’association
et milite dans le sens d'une démarche non politicienne.
VVV nous paraît donc être un outil très
utile à la vie démocratique montreuilloise.
Sans être une organisation politique, VVV se retrouve
de fait situé dans un courant idéologique dont la réflexion
et l'action portent au sens large sur une remise en question des orientations
socio-économiques des dernières décennies. Sauf évaluation
erronée de notre part, vous vous situez vous-même politiquement
dans ce courant dans vos déclarations et dans un certain nombre
de vos initiatives.
Vous ne devez pas ignorer que VVV diffuse un bulletin
mensuel à ses quelque 400 adhérents et sympathisants, dans
lequel nous faisons écho de nos rapports avec la municipalité
sur tout ce qui touche à la politique cycliste. La question des
échéances électorales de mars prochain méritait
donc d'être évoquée et nous prenons acte du principe
de liberté d'expression.
Pour notre part, nous n'avons aucune intention de faire
de notre participation à l'élaboration d'un plan cycliste
un enjeu politique, même si quelques rares adhérents militent
à titre individuel en vue des prochaines élections.
Il en découle que l'aboutissement d'un tel plan
repose sur les seuls critères d'utilité, de sécurité
et de confort tels que vous les avez définis, auxquels il faudrait
ajouter divers critères de priorité et de faisabilité.
Il est clair que les deniers publics doivent être employés
avec discernement et que tout aménagement requiert une étude
préalable méthodique, ce qui prend du temps. Nous ne sommes
donc pas polarisés sur la question des délais, pour autant
que des engagements de principe seront admis.
Charte, convention :
Est-il indispensable d'en passer par de telles formalisations
? L'expérience de la Charte pour l'Environnement ne révèle-t-elle
pas de quelle lourdeur souffrent ces procédures ? Que de temps perdu
en réunions aussi formelles qu'improductives ! Ne serait-il pas
plus simple d'introduire un secteur vélo dans le service de la voirie,
avec des objectifs et une ligne budgétaire spécifiques ?
Nos forces militantes sont très sollicitées
par le fonctionnement interne de l'association, par la recherche d'information
et de documentation, par les contacts au sein du réseau des associations
cyclistes, mais surtout par la multiplicité des réunions
extérieures auxquelles nous sommes invités, dévoreuses
de temps et de patience, très souvent sur des horaires peu propices,
compte tenu de nos activités professionnelles respectives.
Si cela vous agrée, nous souhaiterions procéder
d'une part, à des rencontres informelles régulières
à caractère politique autour de la planification avec les
élus concernés et d'autre part, à des séances
de travail avec les représentants dûment responsabilisés
des services techniques pour ce qui aura trait à la mise en œuvre
sur le terrain du plan cyclable planifié. A titre d'exemple, nous
pouvons citer l'aménagement de la piste Résistance pour lequel,
une fois la décision de concertation accordée, deux séances
de travail ont suffi pour dégager le projet définitif, compte
tenu bien sûr de toute la préparation en amont par les deux
parties.
La formalisation des rapports entre VVV et la municipalité
ne nous paraît pas indispensable mais peut-être correspond-elle
de votre côté à des préoccupations que vous
nous exposerez lors de notre prochaine rencontre.
Plan de Travail :
1- Le schéma de circulation et ses orientations
:
Les kilométrages proposés demeurent pour
l'instant un objectif abstrait, même si à l'évidence
c'est en kilomètres que l'on évaluera les progrès
de la réinsertion du vélo à Montreuil.
Depuis la fin juin, VVV n'a pas vraiment eu le temps
d'élaborer un plan détaillé des aménagements
souhaitables et possibles. Nous commençons juste à nous y
atteler, mais dès septembre et la publication de notre prochain
bulletin, nous diffuserons un enquête auprès de nos adhérents
afin de recueillir les demandes et les observations des cyclistes montreuillois.
Le premier frein au développement des aménagements
cyclables, à Montreuil comme ailleurs, est d'ordre idéologique.
Même si des tendances nouvelles se font jour, les décideurs
continuent de penser en terme de circulation motorisée (la pression
automobile ne cesse de croître) en marge de laquelle on aménage
des circulations dites "douces". La rectitude des parcours motorisés
et la sinuosité des parcours cyclables en sont l'empreinte sur le
terrain. La mesure la plus importante pour aboutir à un schéma
cohérent nous paraît donc être de l'appuyer sur une
culture "vélo" et pour cela nous suggérons qu'un membre du
service de la voirie soit pressenti, en raison de son intérêt,
son expertise et sa pratique cyclistes, pour l'élaboration et la
mise en œuvre dudit schéma.
Orientations :
Cet aspect politique du problème nécessite
une discussion en préparation de laquelle nous vous exposons ci-dessous
les positions que nous estimons devoir défendre, en tant qu'association
montreuilloise :
Rue de Paris :
Votre lettre nous semble imprécise quant au sort
réservé aux cyclistes. Les informations que nous avons pu
recueillir nous-mêmes auprès de la RATP et la réponse
du préfet de région à l'un de nos courriers nous confirment
dans la crainte que les cyclistes seront pénalisés par la
mise en sens unique de la Rue de Paris. Sans nous prononcer sur la pertinence
d'une telle mesure, nous tenons fermement à ce que le double sens
de circulation soit assuré pour les cyclistes. Même si la
rue de Paris ne figure pas au nombre des comités d'axes institués
par le PDU, auxquels nous sommes associés de droit, il va de soi
que nous souhaitons participer à l'évaluation de l'expérimentation
du 22 septembre.
Espérant que ce courrier aura clarifié la démarche de notre association et posé les principes de base de notre coopération avec la municipalité pour la réinsertion du vélo dans notre ville, nous souhaitons, comme convenu, avoir un nouvel entretien avec vous et les représentants du service de la voirie afin de définir ensemble notre plan de travail.
Recevez, monsieur le maire, l'expression de nos meilleurs
sentiments.
Note: cette lettre a reçu une réponse
de quatre pages du maire de Montreuil, où il se déclare globalement
d'accord avec nous. Nous la publierons peut-être un jour si nous avons
le courage de la retaper ou de la scanner