
Association de cyclistes urbains de Montreuil (Seine
Saint Denis - France).
membre de la Fubicy
Propositions pour une politique nationale en faveur du vélo
23 mars 1999
La politique nationale en faveur du vélo ne doit pas être
envisagée comme la satisfaction d’intérêts particuliers
(ceux des cyclistes) mais bien comme un élément constitutif
d’une politique conséquente de l’environnement et de l’aménagement
du cadre de vie.
Aujourd’hui,
le bruit, la pollution atmosphérique, l’envahissement de l’espace
public par la voiture ont fortement dégradé la qualité
de vie dans la plupart de nos villes. Le développement des transports
en commun, s’il est bien entendu souhaitable, ne constituera pas la seule
alternative à la voiture. Coûteux pour les collectivités,
peu efficaces sur les courtes distances, ils ne doivent pas constituer
pour des élus qui ne les utilisent presque jamais en ville, une
réponse-alibi.
Le vélo reste, sur des distances inférieures à
5 km, un des moyens de transport les plus efficaces pour l’usager, le moins
coûteux pour la collectivité et le plus respectueux de l’environnement.
1- La pratique du vélo urbain souffre en France d'un déficit
culturel et d'un déséquilibre social préjudiciables
qu'il faut compenser.
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Moyen de déplacement obligé pour la classe populaire et les
jeunes avant les 30 Glorieuses, le vélo urbain a progressivement
été délaissé au profit de la voiture.
-
Les écoliers ne se rendent plus à l'école à
vélo, ou très peu, les ouvriers, les retraités utilisent
massivement la voiture dans leurs déplacements de courte distance.
-
Le retour du vélo en ville s'opère par l'intermédiaire
d'une catégorie socioculturelle et une classe d'âge que l'on
pourrait illustrer sommairement par deux types d'utilisateurs, la jeune
maman d'une classe éduquée transportant son enfant à
l'école et le cadre moyen quadragénaire se rendant à
son travail.
-
Au cours des 15 dernières années, le vélo a connu
un renouveau économique comme produit de consommation avec le VTT
et le bon maintien du vélo de course. Mais cette consommation ne
se traduit dans l'image du vélo que sous les aspects sportif et
récréatif. Aucune image publicitaire commerciale ou institutionnelle
ne le présente comme une alternative à la voiture. Cette
consommation de millions de vélos en tant que produit ne se traduit
pas non plus par une présence équivalente ni même proportionnelle
sur la voie publique alors que la progression du chiffre des ventes automobiles
est, elle, bien tangible.
-
Il faut agir pour qu'à l'image sportive ou récréative
du vélo s'ajoute progressivement l'image du concurrent à
la voiture et c'est bien là sans doute que la lutte contre les lobbies
évoqués dans votre invitation va prendre corps. Nous disons
progressivement, car, dans les conditions actuelles de circulation en agglomération
urbaine, il serait irresponsable voire criminel d'inciter certaines catégories
de personnes à se lancer sur la voie publique.
Cette action peut s'envisager sous les formes suivantes :
-
Publicité institutionnelle à l'instar des campagnes
d'information sur la santé, en visant un public de jeunes adultes
susceptibles, grâce à leur condition physique, de s'imposer
dans la circulation aménagée ou non. On peut s'appuyer sur
la pratique du VTT déjà assez souvent transférée
aux déplacements urbains pour amener davantage de cyclistes à
occuper l'espace public sans trop de risques, en marquant toutefois le
principe que cet espace n'est pas un parcours de sport de l'extrême.
(Actuellement fleurit une campagne publicitaire française pour la
consommation des pommes, appuyée par la Communauté européenne.
Pourquoi pas une campagne équivalente pour la pratique du vélo
urbain ?)
-
Exemplarité
: La nécessaire relance d'une politique nationale en faveur du vélo
ne doit pas être une activité rhétorique de plus pour
les chargés de mission, élus…En politique, le Vert est tentant
et l'on fait volontiers un petit tour de vélo devant les caméras.
Les élu(e)s, chargé(e)s de mission…seraient bien mieux inspiré(e)s
de joindre le geste à la parole et de recourir le plus possible
et de la manière la plus visible, au moyen de transport qu'ils et
elles sont chargé(e)s de promouvoir dans le cadre de leurs fonctions
électives ou professionnelles. Dans ce domaine le propos politique
peut et doit d'être lisible sur les personnes elles-mêmes.
-
Recherche : Faire renaître une culture du vélo suppose
un investissement intellectuel et artistique qui doit être facilement
réalisable. Le vélo peut très bien constituer un champ
d'études historiques, sociologiques et bien sûr techniques
de haut niveau susceptibles d'évaluer son évolution, ses
fonctions utilitaires, sportives, récréatives et ludiques
dans le temps et dans l'espace. L'université peut jouer son rôle
dans ce domaine.
2- Propositions pratiques à court terme :
L’action des pouvoirs publics :
Jusqu’à présent, aucune action coordonnée
des quatre niveaux institutionnels, de l'Etat à la commune, n’apparaît
clairement.
La politique en faveur du vélo, s'inscrivant dans une politique
générale de l'environnement, doit être menée
de façon cohérente par les divers acteurs. En ce sens, la
mise en place des PDU est un premier pas positif.
En outre, aucun des quatre niveaux n'a à ce jour défini
clairement la priorité du vélo utilitaire sur le vélo
loisir.
Cette priorité implique que l'échelon communal supporte
presque seul l'effort d'aménagement. Cette action bénéficiant
à l'ensemble de la collectivité nationale, on doit trouver
des clés d'une forme de compensation.
-
Aménagements : Nous sommes dans une phase où des études
sérieuses sont en cours, des projets et des réalisations
prennent forme. Mais, comme il s'agit aussi d'une démarche politique,
la tendance est de privilégier ce qui est visible, c'est à
dire la voirie. Il faut cependant bien comprendre que d'autres freins
à l'usage du vélo restent dans l'ombre et ne mobilisent pas
assez la réflexion des aménageurs. Le premier de ces freins
est l'absence de locaux adaptés sur les lieux de résidence
et sur les lieux de travail pour stationner les vélos en sécurité.
Le deuxième est celui du vol, véritable fléau dont
peuvent témoigner les usagers. Les points d'ancrage extérieurs
font défaut à la plupart des lieux accessibles en vélo,
magasins, pôles de chalandise, cinémas, etc…L'action d'aménagement
doit donc se porter aussi sur cet aspect passif de l'usage du vélo.
-
Action en faveur des adolescents : Ce sont les grands exclus du
vélo urbain, ceux que la voiture a chassés totalement de
la chaussée du fait de leur vulnérabilité. Pourtant,
ils constituent l'avenir et c'est forcément d'eux que va dépendre
l'amélioration du cadre de vie. C'est donc à leur intention
que doivent être aménagés en priorité des parcours
cyclable sûrs, en fonction de leurs déplacements quotidiens
vers les collèges et lycées et vers les équipements
socio-éducatifs qu'ils fréquentent. Ces lieux doivent être
pourvus d'aires de stationnement également sécurisés
contre le vol. On ne pourra pas entamer d'action éducative auprès
des jeunes et des parents tant que de meilleures conditions d'usage du
vélo ne seront pas réunies.
-
Code
de la route : Le cycliste, par définition, n'est pas un automobiliste
mais plutôt un piéton rapide circulant sur la chaussée.
Or, le code de la route est en fait un code pour l'automobiliste autour
duquel gravitent d'autres usagers de la voie publique. Les infractions
commises par les cyclistes sont perçues comme autant d'atteintes
au bon fonctionnement de la circulation automobile et sanctionnées
comme telles. L'esprit de cette réglementation est partisan et inéquitable.
Si des modifications au code doivent intervenir, elles doivent tenir compte
d'un potentiel de dangerosité réduit (en fait assez proche
de celui d'un piéton) chez le cycliste par rapport au motoriste.
Quoiqu'il en soit, les cyclistes contrevenants devraient être traités
de façon éducative et non répressive.
Enfin, si l'on veut encourager l'usage du vélo en ville, il
ne faut pas ajouter de nouvelles contraintes telles que le port obligatoire
du casque ou l'imposition d'une plaque d'immatriculation.
